0

Bannière-Gillinghampng
parcours-testpng

"J'ai fait deux mois d'essais
Dans plusieurs clubs"

Nigel-Atanganapng

"même les attaquants

viennent te tacler"

"Certains mecs

sont des animaux"

Timothee Dieng
Thierry Audel

Un rêve, une envie, une obligation. Au fil des décennies, l’Angleterre est devenue un point de passage incontournable pour tous les footballeurs mondiaux qui cherchent à connaître des émotions inégalées. Là-bas, le football est le sport roi, une religion pour tous les supporters. Une ambiance particulière dont seuls les Anglais connaissent le secret. Cette aventure, onze footballeurs francophones ont décidé de la vivre depuis plusieurs années maintenant. De la League One, l’équivalent de la troisième division anglaise, à l’Isthmian League, la huitième division, ils ont décidé de raconter leur histoire anglaise, celle des divisions inférieures. Une aventure hors du commun, entremêlée de passion, de doutes, d’anecdotes et de fans complètement déjantés.

“Dès que l’agent m’a dit que j’avais une proposition là-bas, j’ai dit : ‘Allez, j’y vais (rires)’". Timothée Dieng a 22 ans quand il décide de rejoindre le club d’Oldham (League One/D3). Formé à Grenoble, le défenseur central a toujours rêvé de franchir la Manche : “Je suis un grand fan d’Arsenal depuis tout jeune. J’aimais beaucoup le foot anglais avant de venir ici. En France, il a une excellente réputation, y compris dans les divisions inférieures. Tu sais que les fans viennent en nombre. Les stades sont bondés, il y a de bonnes ambiances. C’est un pays de football. Donc, forcément, j’étais attiré par l’Angleterre”. Comme lui, d’autres joueurs francophones ont attendu peu de temps pour découvrir le football anglais et rejoindre une académie. C’est le cas de Hamza Bencherif, originaire de la région parisienne et passé par le centre de formation de l’En Avant Guingamp. “Je suis resté un an à Guingamp, puis j’ai eu l’opportunité d’aller à Nottingham Forest en Championship (D2). On a été voir les installations avec mes parents et mon agent. L’entraîneur et le responsable du centre de formation m’ont regardé pendant un entraînement avec les pros et ils ont directement apprécié ce que j’avais montré. J’ai signé un an. Je suis revenu pour la pré-saison et on m’a directement intégré au groupe pro alors que je n’avais que 18 ans à l’époque. Nottingham Forest avait une grosse équipe et la meilleure réserve d’Angleterre”.

À l’image du parcours de Hamza Bencherif, de nombreux jeunes joueurs sont recrutés dès leur plus jeune âge par les équipes anglaises pour intégrer leur academie. Une pratique parfois controversée outre-Manche qui a value à des clubs anglais, comme Chelsea, une interdiction de recrutement pour violation des règles de transferts internationaux et d’enregistrement de joueurs de moins de 18 ans le 22 février 2019. Mikael Mandron a 16 ans quand Momo Camara, recruteur pour Sunderland, vient à sa rencontre. Le jeune attaquant évolue à l’époque à l’ACBB (Athletic Club de Boulogne-Billancourt) en région parisienne, un club reconnu pour avoir sorti des joueurs devenus professionnels en France et en Europe. Aujourd’hui à Gillingham, en League One, il raconte les coulisses de son arrivée à Sunderland, alors en Premier League.

Si certains joueurs trouvent rapidement un point de chute, d’autres connaissent une aventure anglaise pour le moins délicate à leur arrivée. Nigel Atangana (Exeter City/D4) fait partie de ceux-là. À 19 ans, par choix, il décide de quitter le centre de formation du Stade Malherbe de Caen pour vivre son rêve et partir en Angleterre. Un agent le remarque et lui propose d’effectuer plusieurs essais pendant deux mois.

Un événement dont s’est servi le milieu défensif pour construire sa carrière. Après un intermède de quatre ans, entre la France et l’Espagne, il retente sa chance en Angleterre où, au bout de plusieurs essais, il rejoint Havant & Waterlooville (National League South/D6). D’abord peu emballé par cette proposition, Nigel Atangana finit par l’accepter et découvre un monde différent : “Je me suis rendu dans ce club et ce fût la surprise de ma vie. En trois mois, j'ai presque eu tous les clubs de League One et League Two à mes pieds grâce à mes performances sur le terrain…” Yannick Makiese a lui tout tenté pour arriver en Angleterre. Gardien de but à Yerres, non loin de Paris, le jeune homme de 19 ans à l’époque vit alors une période de doutes. Lassé par son maigre temps de jeu, il appelle son frère vivant à Londres pour lui demander s’il peut venir s’installer dans la capitale londonienne.

Si les premières tentatives sont infructueuses, Yannick Makiese ne désespère pas et continue ses allers-retours entre Paris et Londres. Après plusieurs semaines de battement, Arlesey (Southern League South Division/D7) à une cinquantaine de kilomètres au nord de Londres, l’appelle pour un essai. Le gardien s’entraîne, fait ses preuves et décroche finalement le précieux sésame, un contrat.

Tout comme Yannick Makiese, Stéphane Ngamvoulou s’est risqué à partir en Angleterre sans connaître grand monde. Grâce à un ancien coéquipier à Romorantin, Farid El Alagui, joueur à l’époque de Brentford (League One/D3) qui le présente à Toumani Diagouraga lui aussi à Brentford, il obtient le mail de Marcus Gayle, ancien international jamaïcain qui entraîne Staines en sixième division. “Je lui avais envoyé un mail avec un anglais vraiment fracassé et il m’avait dit de venir à l’entraînement le lendemain. Quand j’ai débarqué, je ne comprenais rien à ce qu’on me disait (rires). Après plusieurs entraînements et un match d’avant-saison concluant, il se voit proposer un contrat. Hésitant, malgré les demandes incessantes du club, il explique qu’il doit rentrer en France pour faire plusieurs démarches administratives. De retour en Angleterre, le milieu de terrain demande conseil à Farid El Alagui, avant de commettre une erreur.

À la suite de quelques échanges par mail où les deux hommes finissent par trouver un accord tacite, Stéphane Ngamvoulou signe à Staines Town avec un salaire de 600 pounds par mois. L’aventure anglaise peut alors commencer.

Dans les divisions inférieures anglaises, il est monnaie courante de changer plusieurs fois de clubs par an. Les joueurs peuvent multiplier les prêts courts d’un, deux, ou trois mois au cours d’une saison. Très souvent, ces choix sont liés au critère sportif afin d’obtenir du temps de jeu dans un club. Mais il arrive que des situations rocambolesques se déroulent. Thierry Audel l’a vécu à son insu, lors de son passage à Crewe Alexandra. Pris en grippe par son entraîneur depuis plusieurs mois et jouant peu, le défenseur central est placé sur la liste des transferts à l’issue d’un match perdu contre MK Dons (1-6). “Je n’avais pas bien joué pendant ce match et je le reconnais encore aujourd’hui. Le soir du match, sans le dire à qui que ce soit, le coach m’a placé sur la liste des transferts… Je ne le savais pas. Deux jours après, l’assistant m’a convoqué et m’a dit : ‘Thierry, pourquoi je reçois des appels de plusieurs clubs ?’ Je lui réponds que je n’en sais pas plus que lui. Il a alors fait ses recherches et découvert que le coach m’avait mis sur la liste des transferts après la défaite contre MK Dons. Il a utilisé le fait que je n’avais pas bien joué pour vouloir me transférer. Le pire dans tout ça, c’est qu’il n’a rien dit à son assistant, ni au président ! À partir de là, j’ai complètement craqué. J’ai dit à tout le monde que je ne remettrais plus jamais les pieds ici tant que cet entraîneur serait en poste”. Après cette cruelle mésaventure, Thierry Audel a demandé à être prêté à Lincoln City pour pouvoir retrouver un environnement plus sain et loin de son entraîneur.

Zoumana Bakayogo a également vécu ce type de péripéties alors qu’il évoluait à Tranmere (League Two/D4) entre 2012 et 2013 : “Le coach voulait que j'aille en prêt. Et là, j'ai compris que je n'avais plus ma place explique-t-il. Il a même appelé mon agent. Durant la reprise, l'arrière gauche que le coach fait signer se blesse. Je joue finalement tous les matches de la préparation. Le championnat commence, je marque le premier but. Puis, ensuite, l'arrière gauche qui a signé n'arrive pas à revenir et j'enchaîne les bonnes prestations. À un moment, l’arrière gauche revient de sa blessure, mais se blesse à nouveau. Ce qui est drôle dans cette saison, c’est qu’après un match où on perd, le coach vient me voir et me menace : ‘Écoute, il est en passe de revenir. Je ne vais pas te mentir Zoumana, si lors du prochain match, on perd et que tu joues mal, tu seras sur le banc jusqu’à la fin de la saison’. Ironie de l’histoire, je marque le match d’après et derrière, le coach n’avait aucune raison de me faire sortir de l’équipe-type ensuite” (rires). En Angleterre, beaucoup d’entraîneurs sont réputés pour leur caractère impétueux et désinvolte envers les joueurs étrangers. Une manière de faire traditionnelle et jusqu’au-boutiste qui s’illustre dans la manière de percevoir l’autre. Rémy Clerima, défenseur de Maidenhead (Vanarama National League/D5) l’a appris à ses dépens il y a quelques années, alors qu’il cherchait un nouveau club. Lors d’un tournoi local, il rencontre par hasard un joueur de cinquième division et l’impressionne. À l’issue du tournoi, celui-ci vient le voir pour lui expliquer que son entraineur recherche un défenseur à son poste. Intéressé, Rémy Clerima lui confie qu’en parallèle du foot, il travaille dans le mannequinat.

Ironie de l'histoire, cet entraîneur est aujourd’hui celui de Maidenhead où évolue le latéral droit de 29 ans depuis 2016. Mais les entraîneurs ne sont pas les seuls à avoir mené la vie dure aux footballeurs francophones. Jean-Yves Koue Niaté peut en témoigner. Le défenseur central d’origine ivoirienne, formé au Stade de Reims, a été la cible d’un agent malintentionné. Après quelques mois à Oxford City, en sixième division, il rejoint le club d'Ebbsfleet en Vanarama National League (D5). Les transactions se déroulent pour le mieux et le Parisien de naissance peut commencer à s’entraîner avec sa nouvelle équipe. La suite s’avère beaucoup moins réjouissante : “L’agent m’a planté un couteau dans le dos. Lors de la signature, il devait me payer la prime à la signature. Et ce n’était pas indiqué dans mon contrat. Il a alors demandé plus d'argent dans mon dos et je n'étais pas au courant. À mon arrivée, le coach d’Ebbsfleet était content, il m'avait bien accueilli et le deuxième jour, je vois à l’entraînement que son visage est serré et que comportement n’est plus le même avec moi. Deux jours après, le club signe un autre défenseur et il me fait comprendre de parler à mon agent car il n’est pas sûr de me faire jouer. Le championnat n'avait même pas commencé…”

Incrédule face à la situation, le défenseur central s’empresse d’aller voir son agent pour lui demander des explications, celui-ci reste mystérieusement silencieux. Quelques jours plus tard, Jean-Yves Koue Niaté est convoqué par le coach et le président qui lui apprennent que l’agent a demandé beaucoup plus de commissions au moment de la signature, ce qui leur avait déplu. S’ensuit une longue période de mise au banc : “Je suis resté deux mois là-bas car j’avais signé mon contrat, mais je n’ai jamais joué…” Il rebondira finalement à Guiseley en Vanarama National League, quelques semaines plus tard.

"Au début, c’était très compliqué. Je ne parlais pas du tout anglais et le style de jeu était complètement différent de ce que j’avais pu connaître en France". Passé par Sutton United (D5), entre 2016 et 2017, Maxime Biamou est surpris du niveau de jeu en cinquième division anglaise à son arrivée en Angleterre. L’ancien joueur de Yzeure et Villemomble découvre un autre monde footballistique : “Le niveau de la cinquième division est très physique, très difficile, l’intensité est énorme et l’arbitre ne siffle quasiment jamais. Dans les duels, je devais me servir de mes mains pour contrer les défenseurs adverses”.  Les divisions inférieures anglaises sont en effet réputées pour leur aspect physique et leur intensité. Le rythme y est infernal. Chaque division est composée de 24 équipes qui d’août à mai disputent 46 rencontres ou même plus avec les playoffs d’accession entre le troisième, quatrième, cinquième et sixième du championnat, voire septième selon certaines divisions. En prime, contrairement à d’autres championnats européens, les Anglais ne s’arrêtent pas pendant les fêtes de fin d’année et jouent le lendemain de Noël et de la Saint-Sylvestre. “Tu ne peux pas t’aérer l’esprit et couper du foot comme ça peut être le cas en France avec les fêtes de Noël”, explique Timothée Dieng. À l'instar de Maxime Biamou, le Grenoblois a été surpris par l'agressivité des joueurs anglais, notamment lors de sa première rencontre disputée avec Oldham.

Cet univers, les joueurs francophones ont dû s’en imprégner pour pouvoir faire leur place. “Le foot anglais, c’est totalement à part. Tant que tu n’y as pas goûté, tu ne pourras jamais comprendre” confie Hamza Bencherif, en Angleterre depuis maintenant quatorze ans et qui ferraille dans les divisions anglaises tous les week-ends. De son côté, Thierry Audel sait désormais à quoi s’attendre dès qu’il se retrouve en face d’un adversaire plutôt corpulent.

Le défenseur de Brackley Town (National League North/D6) ne s’en cache pas, il a souvent pris 'cher' sur les terrains anglais : “Ça m’est souvent arrivé (rires), mais tout dépend du niveau du joueur. Ici, j’ai joué contre un joueur très connu ici. En France, je ne sais pas s'il l’est… Il s’appelle Adebayo Akinfenwa. Il évolue actuellement à Wycombe en League One (D3 anglaise). Il est … (soupir) c'est un monstre le mec (rires). Je m'en rappelle, la première fois que je suis arrivé, tout le monde me disait ‘Akinfenwa, Akinfenwa’, moi je ne jouais pas à FIFA ou à la Playstation (rires), je ne savais pas qui c’était à l'époque. J'arrive sur le terrain face à lui, je vois que le mec est costaud. Mais parfois, ça ne veut rien dire. Sur le premier ballon de la tête, moi dans toute mon élégance, je décide de prendre mon élan pour avoir le ballon. Le gars n'a même pas sauté ! Avec son bras il m'a décalé sans vraiment aucun effort et il a récupéré le ballon à la retombée. C'est un animal le mec, il est impossible à bouger (rires) !”

De ces anecdotes sont nés des récits que les joueurs aiment raconter avec envie et enthousiasme. Être en Angleterre est un rêve éveillé pour beaucoup d’entre eux. Vivre au rythme des matches, dans des stades bondés et des fans éruptifs qui donnent un supplément d’âme est une chose à part. Tous ont découvert une autre culture dont ils sont désormais imprégnés et ce, malgré les difficultés rencontrées. Un voyage footballistique gravé pour l'éternité dans leurs mémoires.

headphonespng - Nigel
headphonespng copy
headphonespng copy (1)

L'arrivée en Angleterre

des parcours cabossés et semés d'embûches

À la découverte des divisions inférieures

Infographie-Stéphane-V3png

chemin-in-circlepng copy (1)
chemin-in-circlepng copy (2) chemin-in-circlepng copy (3) chemin-in-circlepng copy (4) chemin-in-circlepng copy (5) chemin-in-circlepng copy (6)

Parcours

culture

foot

insertion

vie pro

amitié

religion

arrow baspng

culture foot

accueil

fan-in-circlepng copy accueil - parcours