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La plupart des footballeurs professionnels en Angleterre n’ont pas d’autres activités en dehors des entraînements et des matches, alors que d’autres, dans les plus basses divisions, ont un autre emploi pour subvenir à leurs besoins. Une double vie pas toujours évidente à mener qu’ils racontent en détail.
Aujourd'hui, l'univers économique du football est incroyablement compulsif. Si les salaires ne cessent de grimper dans les grands championnats européens, une autre partie du football ne dispose pas de moyens financiers aussi importants. À l’instar de la France, les joueurs francophones ne peuvent pas vivre uniquement du football à partir d’un certain niveau. Outre-Manche, les ligues professionnelles concernent uniquement les quatre premiers échelons : de la Premier League à la League Two, ainsi qu’une moitié de clubs de la Vanarama National League. C’est pourquoi cinq de nos onze footballeurs ont choisi d'exercer un autre métier en dehors du football, souvent mais pas tout le temps, proche du monde du sport. Stéphane Ngamvoulou est coach sportif depuis 2015 et travaille actuellement dans une salle de sport à Londres, tout proche de chez lui. “J’ai toujours été quelqu’un qui aimait aider les autres depuis mon plus jeune âge, peu importe la personne. Mon déclic est venu quand je travaillais dans une école primaire. Les enfants disaient aux parents qu’ils m'adoraient et à la salle, on me disait la même chose.” Cette qualité, il a décidé de la mettre en application à la salle pour aider mentalement et physiquement les personnes.
Il l’admet, depuis le début de son activité, son hygiène de vie est bien meilleure qu’auparavant. “Je prends soin de moi aussi et mon entraînement permet de mieux gérer mon corps.” Thierry Audel apporte également son expérience de footballeur pour coacher ses clients via son entreprise Audel Sports qu’il a créée à Leicester : “Je veux me maintenir en forme mais aussi aider les gens à le faire. J’aide mes clients à perdre du poids et à atteindre leurs objectifs. Quand ils voient que je me suis battu toute ma vie pour rester fit, ils ont confiance.” Le footballeur de Brackley (National League North/D6) peut exercer cette activité grâce à une salle disponible dans tous les hôtels Hilton. En parallèle de son activité de coach sportif, il a aussi décidé d’être mentor de joueurs. “J’accompagne les joueurs sur tous les aspects en dehors du terrain. Beaucoup d’entre eux et notamment les jeunes ne savent pas à quoi ils ont le droit ou comment s’orienter. Ce sont des choses que j’ai vécues moi-même dans ma carrière et c’est pour cela que j’ai décidé de créer cette compagnie pour pouvoir les aider.” Dans le football, les joueurs qu’ils soient professionnels ou non, sont constamment amenés à échanger avec des présidents, des entraîneurs, des agents, des kinés et des médecins, entre autres : “C’est plus facile pour moi d’aider les joueurs maintenant pour éviter qu’ils ne commettent les mêmes erreurs que moi”.
Désormais hors des terrains, Yannick Makiese s’est orienté vers le monde des médias pour son après-carrière. Jeune retraité depuis 2018, il travaille pour BBC Studios, la partie distribution de la chaîne, en tant qu’assistant commercial. “Notre travail est de produire et de distribuer des documentaires et des séries à l’international. Moi je m’occupe du marché français avec des chaînes comme France Télévisions, TF1 ou Canal +. J’ai également touché au milieu journalistique. Je travaillais l’année dernière pour BBC News Afrique, une autre branche de la BBC qui produit des journaux télévisés pour l’Afrique francophone”. Avant de travailler pour la BBC, le natif de la région parisienne a étudié à la London Metropolitan University, alors qu'au niveau du football, tout ne se passait pas comme il le voulait. “Mentalement, j’étais au plus bas. La vie en Angleterre était compliquée, je voulais rentrer. C’est ma mère qui m’a poussé à reprendre des études. Elle m’a dit : ‘Pourquoi tu veux rentrer ? Tu rentres avec quoi ? Tu ne parles pas anglais et tu n’as pas de club’". Finalement, sur les conseils avisés de sa mère, il décide de rester et entame un bachelor.
Dans le cadre de ses études, Yannick Makiese a également écrit un mémoire sur les nationalités dans le football et plus particulièrement le cas des binationaux. Un sujet qui lui a permis de valider son diplôme avec la mention très bien. Stéphane Ngamvoulou a aussi choisi le chemin des études pour devenir coach sportif. “Pendant huit semaines, je suis allé à étudier deux jours par semaine de 9 h à 17 h. C’est chiant, mais cela vaut le coup. J’ai fait cette formation avec Christopher Mboungou (NB : aujourd’hui à Haguenau, Christopher Mboungou a évolué de 2014 à 2018 en Angleterre) et maintenant ça fait trois ans que je suis coach sportif.” Diplôme en poche, il a démarché plusieurs salles pour pouvoir exercer son nouveau métier.
Loin du monde des médias, Rémy Clerima, joueur semi-professionnel à Maidenhead (Vanarama National League/D5), est depuis 2013, mannequin pour différentes marques de vêtements. Un métier qu’il a commencé un peu par hasard : “Quand je travaillais pour Hollister, la marque a fait de la publicité pour plusieurs magasins de la franchise qui allaient ouvrir à Londres. Ils ont recruté une centaine de personnes pour les promouvoir et ils m’ont sélectionné. On devait se mettre torse nu afin d’attirer la clientèle. Au shooting, j’ai rencontré une personne qui faisait du mannequinat".
Sa vie de mannequin aurait pu basculer lorsqu’il a eu l’opportunité de faire un shooting avec Kim Kardashian. Mais Kanye West, le mari de l’influenceuse américaine, en a décidé autrement en annulant le shooting 24h avant. “Ma carrière aurait pris une autre tournure, je ne serai peut-être pas à Maidenhead aujourd’hui” sourit-il. Rémy Clerima a déjà collaboré avec plusieurs marques comme Mark & Spencer, Timberland ou Macy’s. Ses réseaux sociaux et notamment Instagram sont également l’occasion pour lui de partager ses nombreux shootings, en Angleterre, mais aussi de montrer les photos de ses voyages à l’étranger: “Je suis notamment allé à Cap Town, en Afrique du Sud. Je collabore actuellement avec Crew Clothing Company. Ça m'a permis d’aller aux Bahamas il y a quelques mois. Par le passé, j’ai également pu partir aux États-Unis”.
Son autre fierté ? “Savoir que ma famille et mes proches sont contents de regarder mes photos et d’en être fiers. Certains d’entre eux m’ont même vu à l’étranger ! J'ai une cousine qui m'a vue au Canada sur un bus, j'ai également un pote à moi qui m’a vu en Asie. Entendre qu’on peut te voir partout dans le monde, c’est un privilège”.
Leur vie étant désormais stable, certains footballeurs francophones ont des perspectives d’avenir, qu'elles soient dans le sport ou non. Yannick Makiese compte notamment réaliser un documentaire autour des binationaux, sujet de son mémoire. “Je ne connaissais aucun joueur à l’époque. Grâce à mon cousin, Jérémie Bela, qui joue à Birmingham City (Championship/D2), j’ai pu avoir le contact de plusieurs d’entre eux qui ont tous joué avec le pays d’origine de leurs parents et qui m’ont expliqué pourquoi ils avaient fait ce choix". Concernant son avenir à la BBC, le joueur n’est pas encore fixé. “Si on me pose la question de savoir où je serai dans cinq ou dix ans, je ne pourrai pas donner une réponse claire et précise".
Comme tous les autres footballeurs travaillant en parallèle de leur passion, Thierry Audel construit son après-carrière.
Pour le moment, le défenseur central conseille deux joueurs dans leurs choix de carrière. Cette activité de mentoring, il compte la développer encore plus après avoir arrêté sa carrière. “Il n’y a pas trop de temps pour la détente en ce moment. Je pense être dans une période de transition où mes activités commencent à marcher, à se faire connaître et du coup je préfère me concentrer sur ça”. Hamza Bencherif insiste sur le fait qu’en Angleterre, on voit les choses différemment qu’en France, concernant le travail. “Ici, on juge plus sur ton expérience et ton savoir-faire que tes diplômes. Les Anglais peuvent se servir du football pour t’emmener dans d’autres secteurs. Par exemple, étant capitaine de mon équipe, ils peuvent voir ça comme une âme de leader.” Le défenseur central de Guiseley (National League North/D6) a ainsi été amené à travailler pour la première fois de sa vie dans un bureau, il y a quelques mois, en plus de préparer ses diplômes d’entraîneur : “L’année dernière, je me suis retrouvé à travailler pour une boîte américaine à Nottingham alors que je n'avais jamais travaillé dans un bureau, ni même travaillé tout court (rires). Je ne savais même pas comment fonctionnait le logiciel Excel... J’ai fait ça toute l'année pour prendre de l'expérience”. De son côté, en plus du mannequinat, Rémy Clerima souhaite s’ouvrir à de nouveaux horizons.
Un avenir, loin du football pour beaucoup, qu’ils mettent en place, pas à pas, afin de s’assurer une vie tranquille et sereine. Car derrière leur passion, leur histoire, il y a aussi une vie de mari et de père de famille à ne jamais oublier.
le sport en fil continu de leur métier
construire un avenir pérenne
“C'est ma mère qui m'a motivé à reprendre des études”
“Je ne savais même pas comment fonctionnait le logiciel Excel”
Rémy Clerima travaille actuellement pour la marque Crew Clothing (© Crew Clothing Company)
"en ce moment, je suis dans une période de transition"
"je commence à prendre des cours pour devenir acteur"